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‘‘Et pourtant je suis dominicaine’’ Une peinture pour traduire une réflexion

reconocido400Les réflexions de l'artiste sur sa peinture intitulée
''Et pourtant je suis dominicaine''

Suite à la sentence du Tribunal Constitutionnel de la République Dominicaine [0168-13] datée du 23 septembre 2013 –celle d’enlever la nationalité dominicaine à des dizaines de milliers de citoyens dominicains d’origine étrangère dont la grande majorité est haïtienne–, en tant qu’artiste, depuis ce jour-là, je ne pensais qu’à une seule chose: comment, à travers mes pinceaux, exprimer la souffrance que vivent ces nombreuses personnes touchées par cette lois injuste et inhumaine.

Quand on écoute chacun d’eux, leurs témoignages se rejoignent toujours à travers des questions très touchantes qu’ils se posent, entre autres: ‘‘Pourquoi mes parents étaient venus ici ? Pourquoi je suis né ici ?’’. Cependant, malgré toutes ces interrogations relatives à leur existence, ils ne doutent pas une seule fois qu’ils sont des authentiques dominicains (dominicaines) comme tous les autres en murmurant chacun avec certitude Ã©tonnante et parfois déchirante: ‘‘…et pourtant je suis dominicain (dominicaine)’’.

Quand on remonte dans l’histoire –soit le 22 juin 1633 à Rome–, presque la même chose s’était produite. En fait, ce n’était pas une dénationalisation cette fois-ci, plutôt une rétractation d’une affirmation étant devenue incontestable de nos jours. À l’époque, l’Église avait obligé à Galileo Galilei, par le biais d’un serment, de rejeter son affirmation claire et nette concernant la rotation de la terre autour du soleil, et non pas son inverse comme on le concevait jadis. Selon ses contemporains, après avoir prononcé ce fameux serment, Galileo Galilei a murmuré : ‘‘…et pourtant elle tourne’’.

Donc, dans ma peinture, j’ai osé comparer ces deux affirmations que je trouve, d’une façon ou d’une autre, nouées l’une à l’autre: celle de Galileo Galilei et celle des dominicains d’ascendance étrangère et plus particulièrement ceux d’origine haïtienne ayant chacune comme point commun : ‘‘…et pourtant…’’. Au cÅ“ur de ces deux, il existe une forte espérance ; l’espoir qu’un jour la vérité triomphera. Pour la première, l’Église a pris des siècles pour accepter l’affirmation voire même la certitude de Galileo Galilei au sujet de ce que l’on appelle de nos jours l’héliocentrisme et faire ses meâ-culpâ, à savoir : ‘‘Le soleil est le centre du monde et il est immobile, la terre n’est pas le centre et elle tourne autour du soleil’’. Cependant, pour la seconde, on ne sait pas dans combien de temps que le Tribunal Constitutionnel dominicain va être en mesure de reconnaître qu’il était dans l’erreur.

En guise de conclusion, étant donné que dans mes Å“uvres d’art les symboles ont toujours des importances éléphantesques, c’est-à-dire, rater le sens d’un seul d’entre eux peut causer une incompréhension capitale du vrai sens de l’œuvre dans son ensemble. En ce sens, je ne veux pas finir sans attirer l’attention sur un symbole culminant de cet ouvrage de peinture, la médaille en forme de cÅ“ur que porte cette jeune fille. Dans cette médaille, s’est gravé le portrait de Galileo. En effet, cela veut dire quoi ? En peu de mots, cela veut dire que la jeune fille porte une pièce de métal gravée en souvenir d’un personnage antécédent qu’elle aime et qu’elle considère comme un héros, un modèle à suivre, quelqu’un qui a été aussi victime d’une sentence défavorable à son égard mais qui a su l’affronter avec beaucoup d’intelligences et que tout le monde donne raison maintenant. À son tour, le Tribunal Constitutionnel donnera t-il raison un jour à ces dizaines de milliers de victimes ?

En fin de compte, Dieu seul sait comment se terminera cette triste histoire qui vient de prendre cette tournure effrayante immédiatement après la sentence du Tribunal Constitutionnel. Que Dieu les accompagne dans cette lutte difficile mais possible Ã  gagner !

Jean Yves Fernand

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