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Page ouverte à mon camarade Robert Lodimus et contre ce geste suicidaire des autruches

Gérard P anvier touthaitiPar Gérard P. Janvier

Mise en contexte-

R. Lodimus dans son Billet Politique à Mr Dja Paul, déclare :

1-« C’est la « peur de mourir Â» qui maintient l’être humain dans la servitude humiliante. Ce n’est pas seulement par la lutte armée, la guérilla que l’on puisse accomplir des exploits épiques, dignes de mention dans les Å“uvres historiographiques globales. Â» …« Aujourd’hui, je n’ai qu’un rêve : retourner mourir avec ceux qui luttent pour que le mot « liberté Â» ne soit plus éclaboussé et enchaîné. Â»

2-« Je me surprends souvent à parler à voix basse, comme le pauvre « chemineau Â», le « trimardeur Â» solitaire qui s’apitoie sur son sort : Â« Ai-je jamais su payer le prix de ma Liberté? Â»

3-« Gustave Lebon n’avait-il pas raison lorsqu’il déclara : « Les foules sont des agrégats d’individus amorphes, incapables de comprendre et de résoudre des problèmes complexes ? Â» 

(Robert Lodimus, Billet Politique à un camarade inquiet et confus. Lire sur Google ou sur Touthaiti.com)

Puis cet extrait de Prière de la Révolution de R. Lodimus récemment paru dans les media.

Camarades

Qui traînez votre opprobre

Sur le sable blanc

De «Si jolies petites plages (1)»

J’ai inventé

Ces phrases intrépides

Qui défient la cruauté

De Bonaparte

……

 Ã€ vous qui

Entre « mourir Â» et « fuir Â»

Fîtes le choix

Qui humilie

……

Mon rêve

Comme celui

Du martyr de Memphis

 

 Bien cher camarade

     Merci pour ce beau poème qui reflète encore les contritions du rêveur aux bras coupés (que nous sommes tous devant les suprématies mondiales comme devant nos faiblesses historiques) . A la portée des « Job Â» et des « Jérémie Â» en vacances ou en sursis sur les rivages recéleurs de la nouvelle Babylone, il y aura toujours beaucoup de verbiages thérapeutiques pour exprimer nos orgueils et la passion de nos verves égocentriques. Nous sommes souvent plus tristes ou plus terribles que les conditions qui nous incitent à valser, à chanter ou à pleurer quand nous nous ne savons pas comment utiliser l’arme de nos malheurs pour lutter et convaincre. Alors un agenouillement devant l’autel ou ce tribunal de la patrie devient ce geste apparemment ultime pour nous défaire d’un rivage de vacances intolérable et nous recréer une autre jolie-petite-plage de reflux et de dérive dans l’attente d’un miracle populaire. Oui ce miracle du bas peuple. Oui ce peuple de la rue des miracles, de la rue des vaillants, ce peuple des trous sales, ce peuple d’anges noirs et que des gens-d’esprit dédaignent sous le vilain prétexte que ce peuple est ignorant et complice de son sort. Mais c’est ce peuple là aussi qui est forcé, avec les yeux bandés par ce vocabulaire exclusif des gens-d’esprit, de choisir sa destinée dans une boite de Pandore. Une boite de 32 à 72 candidats à la présidence comme ça se passe ici . Oui ce peuple là prend les rues en créole avec ses grouillades hystériques pour crier sa soif, sa faim, ses inquiétudes , ses confusions. Il revendique à sa façon à coups de trompette et de tambour un morceau de droit des mains des oppresseurs de tous poils. Ce peuple qui a encore le courage de refuser de mourir. Il est encore dans l’attente de ce soleil égaré ou perdu. Il cherche ce leader qui saura équitablement transformer son sort. Il ne sait plus, Il ne sait rien. Il est partout le même dans les mêmes circonstances.

Mon bien cher ami

     Il n’est peut-être pas satisfaisant pour toi de jouir du respect et de l’admiration de tes lecteurs et de tes camarades dans l’exercice de ta tâche combien ardue d’éclaireur dans les sentiers du combat pour l’éducation , la justice, l’ordre, la probité, le civisme, la morale. Mais quand même je crois comprendre et je sais apprécier la valeur de tes efforts d’intellectuel ; tel intellectuel qui est cependant bien au-dessus des ravins de la faim et du désespoir d’un peuple qui prend ses rues existentielles en créole pour crier son dégoût et revendiquer à sa façon un morceau de droit des mains de différentes formations qui le maintiennent dans l’abjection . Nous pouvons toujours toi et moi nourrir des sentiment ou des émotions similaires sur différentes échelles de contingences individuelles tandis que nous sommes confrontés au même bourbier du doute , de la culpabilité, et de la honte dans les méandres individuelles de notre histoire d’homme et de citoyen.

Toutefois quand je considère que ce n’est point la faute de mon peuple appauvri s’il est fatalement « conditionné Â» pour subsister et réagir dans cette façon qui gêne la formation de gens-d’esprit à laquelle nous appartenons toi et moi avec une échine et une défense trop éléphantesque- je me sens davantage obligé de reconsidérer mon cheval de combat au lieu de m’agenouiller devant ce tribunal Ã  l’intérieur duquel des accusés sont sauvagement forcé de choisir leur destinée dans une boite de Pandore.

  Pis encore, d’une part, cette nouvelle forme d’une politique de l’autruche qui utilise la convoitise et la couardise quand ce n’est pas celle simpliste des idées menant à des actions suicidaires, et d’autre part l’exercice intellectuelle de cette opposition de pacotille que nous connaissons bien, ont trop souvent déjà fait la perte combien regrettable de combattants sincères mais fous .

Il nous faut des héros vivants dans la lutte a écrit Anthony Phelps. Même les formateurs secrets de mythes religieux ont magistralement compris qu’il fallut sauvegarder un Jésus révolutionnaire vivant après sa mort toute humaine par la proposition extraordinaire d’une manière de résurrection. Duvalier lui-même fut célébré comme un immortel par ses pairs. En ce qui concerne notre histoire, le totémisme de notre culture s’inspira des racines de nos arbres, nos vigies tutélaires, pour sauvegarder la voie de notre libération. Les racines de Makanda et Toussaint en la personne de Dessalines, Boukman, Capois, Boirond, Gabarre, Lamartinière et d’autres plutard encore ont gagné un combat anticolonialiste avant leur initiation dans la mort. Ils ont utilisé une stratégie pluriforme Louverture/Castro, Henri (Le Cacique)/ les Marrons, Batraville/Guevara/. C’est de cette stratégie que nos anciens occupants ont peur. C’est pourquoi nos ennemis locaux et étrangers nous encourage à l’intérieur comme à l’extérieur de nos cardinaux géopolitiques et politiciens à nous détruire en nous conduisant adroitement au suicide.

De plus, Il n’y a pas tant un complot d’hégémonistes contre notre petit pays qu’il y a pour sure une utilisation de nos convoitises par un ennemi qui nous retourne son assimilation d’une expérience que nous lui avions imposée audacieusement. Malheureusement, comme tu a su bien laisser lire récemment nous subissons un long règne de charognards au pouvoir chez nous. Certes.

Après le sardonisme de la milice duvaliérienne et de ses tenants, J.B. Aristide proposa un embargo contre Haïti au profit de ses intérêts mesquins. L’exécutif américain a vite fait d’accepter la proposition, sachant que les conséquences d’une telle sanction seront désastreuses pour notre pays. Et comme ça s’est produit en 1915, une intelligentsia de tous poils ont comme des manfoubins éclairés (Créole pour gens-d’esprit opportunistes) toléré l’intervention de cet apostat président qui décidait de l’avenir du pays de Toussaint et Dessalines dans l’espace sur le dos d’un aigle.

 Pas question donc de choisir la voie facile du suicide avant de forcer laborieusement la formation des conditions pour le changement , pour un retour systématique à ce que les preux de notre pays nous ont légué. Les preux que tu implores sur tes genoux Mr Lodimus, t'ont doté d'une sagesse glorieuse; non pas celle des couronnes fumantes du déchoukaj, mais celle de la ténacité, de la résistance, celle du retrait stratégique. Tu as besoin de tes peaux de journées pour durer  dans la Sierra Maestra de l’existence. Tu as écrit dans l’un de tes anciens poèmes : "on ne vit pas dans un pays en agonie." Mais sache bien aussi que tu peux encore puissamment exister en dehors de ce territoire en détresse. De même, un suicide mal rêvé peut toujours se produire sans résultat ou même laisser une suite plus dantesque qu’avant.

La révolution haïtienne ayant abouti à 1804 fut aussi significative d’une longue lutte anticolonialiste, et même néanmoins anti-impérialiste . Mais notre politique infertile d’autodestruction et de répression intestine est une preuve de notre irresponsabilité à l’égard de nos générations . Sans vergogne notre gouvernement entre 1949 et 1950 a choisi de devenir un baptiseur du Benjamin du Jourdain et, définitivement un courtisan épicurien s’amourachant des assassins et voleurs du Manitou.

Mon cher ami, exprime tes chagrins et tes regrets en poète conscient ou en éclaireur averti. Ton instrument de chroniqueur sociopolitique peut à l’occasion faire des propositions didactiques, moins métaphoriques sur des questions fondamentales qui sont à la portée de ta formation. Ne t’agenouille pas devant ta tombe avec une fascination inopportune sur ta langue contre ta probité, ton innocence, ton droit acquis au développent d’une civilisation. Ne t’élance pas vaniteusement vers la bêtise des trois couronnes de gloires assassines que ton ennemi te promet après ton retrait obligé d’Haïti. Il est préférable, même à ce stade tardif, de reconnaître les problèmes, de les approcher avec cette action qui donna un éclairage social, culturel et politique au cubain en commençant par l’apprentissage de l’alphabet à ton peuple malchanceux (notre bourrique nationale). En réalité, notre pays appauvris a besoin de technocrates de la pensée et de l'action (Demesvar Delorme, Antenor Firmin, Dantès Bellegarde, Toussaint Desrosiers, Laennec Hurbon, entre beaucoup d’autres incluant même des socio-politologues étrangers au sujet d’Haïti). Mais aussi, notre pays a besoin des révolutionnaires passionnés de la vie et non pas des complaintes trop souvent infertiles, ou trop facilement méprisées. Il est toujours préférable et plus rassurant d'utiliser des feuilles de routes sur le parcours des aléas. Faire l'autruche, ou recourir au confessionnal de la contrition sont des actes plutôt négligeant. Autrement, Â« il faut savoir mourir pour sa vérité Â» (ta citation du carnet de Che Guevara). « Savoir Â» devant le verbe qui le suit a toute son importance. On ne meurt pas pour sa vérité comme on perd sa tête. Moi je préférerais dire qu'il faut savoir durer pour sa conviction. "Mourir est beau" est trop simpliste.

 Aucune mort n'est belle. Mais savoir mourir recèle une sagesse avantageuse. Je suis pour la durée (la résistance) honnête dans le combat pour la libération. Ta retraite ici est seulement stratégique. Il y a aussi des responsabilités sociales ou personnelles qui adressent des entretiens Ã  la base d'une société (la famille). De même, Ã  la base d’une société révolutionnaire il nous faut une famille qui entretient les activités de la révolution. Les 12 tenants de la révolution Castriste avec leur extension constituaient la familia du mouvement. C'est pourquoi même des dictateurs sales et impénitents ont su imposer leur force en utilisant les influences de leur cercle de protection (le gang, la familia, la milice, les apôtres). Sans la fondation de telle famille pour ton mouvement, tu t’apprêtes à répéter la regrettable opération du guerrier seul dans une jungle de baka et d'assassins (Jaques S. Alexis, Richard Brisson). 

Mais enfin, te voici plus récemment avec un contenu qui apporte un éclairage moins nébuleux au réel :

« â€¦on parle de révolution, lorsque nous réussissons à remplacer un système social, politique, économique et culturel, par un autre système qui fonctionne lui-même tout à fait à l’opposé, et que nous estimons meilleur pour nos semblables, nos compatriotes et pour nous…. Et le plus souvent, une pareille initiative ira puiser sa légitimité dans la recherche du bien-être de la majorité. Le fait de viser le bonheur des citoyens négligés, marginalisés par le système, le mouvement devient donc fondé, légitime… Aujourd’hui, je suis en mesure de comprendre la sagesse de Montesquieu dans « Les Pensées et le Spicilège Â» lorsqu’il soutient avec justesse : « Nous pouvons nous faire des biens de tous nos biens, et nous pouvons encore nous faire des biens de tous nos maux. Â» (Robert Lodimus, L’inconnu de Mer Frappée, inédit).

Gérard P. Janvier
Illinois 6 Septembre 2015