Analyses & Opinions
Pour libérer les prolétaires du capital mortifère
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- Publié le dimanche 6 août 2017 17:10
« Avec ou sans fil d’Ariane, nous avons décidé de descendre dans les entrailles de la terre afin d’aller combattre les « minotaures politiques et financiers » qui sucent le sang des peuples. Il faut arracher l’ « ivraie » du néolibéralisme et de la colonialité. La détruire jusque dans ses racines, et ensuite la brûler sans hésitation, en vue de permettre à la « bonne herbe » de pousser librement dans la vallée d’une « Révolution » mondiale progressiste, porteuse de changement réel pour l’Humanité en souffrance. »
(Robert Lodimus)
Par Robert Lodimus --- Le pays assauté par les commerçants du bord de mer, Jovenel Moïse, Wilson Laleau et le reste du troupeau des « crânes rasés » fait penser à la ville précipitée sous l’emprise du « Mal » dont parle Jean-Paul Sartre dans la pièce « Le Diable et le Bon Dieu » représentée à Paris le 7 juin 1951. Dieu aurait-il voulu que le « bien » eût été impossible sur la terre d’Haïti, parce que tout le monde aurait pratiqué le « Mal »? Nous laisser maltraités, dominés et exploités sans nous rebeller, n’est-ce pas là aussi un « tort » considérable que notre « état immobiliste » de « couardise » a causé et consenti à nous-mêmes ? Les êtres humains n’ont-ils pas le pouvoir d’enlever à leurs mains et à leurs pieds les fers du système de domination capitaliste ou capitalistique mentionnés par le contractualiste Jean-Jacques Rousseau [1] ?
Le 20 novembre 2016, avec l’appui de Léopold Berlanger dans le rôle d’Heinrich, Goetz s’est emparé de la République d’Haïti, comme il le fit pour la cité de Worms dans le drame sartrien en trois actes. Seulement – dans le cas qui concerne le peuple haïtien – les sociologues, les politologues et les observateurs internationaux noteront une différence : le « Goetz » oint par la Minustah ne se consacrera pas en dernier lieu à faire le « bien »! Le Nasty d’Haïti périra avec sa cohorte de gueux. Car la « caravane de la gabegie » n’a pas été inventée dans l’intention de sauver l’Artibonite, le Sud et la Grand-Anse de la disette et de la famine. « The covetous man, like a dog in a wheel, roast meat for others (L’avare, comme le chien de cuisine, tourne la broche pour autrui) », dit le proverbe. Jovenel Moïse est un « jardinier » de la classe possédante traditionnelle. Il ronge les os du bœuf. Mais n’a pas accès à la « bonne chair ».
Quelle histoire !
La journée du vendredi 14 juillet 2017 a fourni une nouvelle preuve du « démonisme politique » qui brunit la société haïtienne. Auril Dérilus est exécuté sommairement par des « gangsters » à la solde du maire de Pétion-Ville, Dominique Saint-Rock : un délinquant récidiviste. Ce douteux personnage a déjà comparu par devant le juge Jean Wilner Morin dans une affaire de meurtre d’un agent de la police nationale. L’épouse du « Lee Van Clef » de la municipalité, selon le témoignage du frère de la victime, aurait ordonné cyniquement le crime. Et ce n’est pas étonnant : « Birds of a feather flock together (Qui se ressemble, s’assemble) ». Selon les informations recueillies par le journal hebdomadaire Haïti Liberté, l’opération brutale de déguerpissement des commerçants informels des trottoirs de la « banlieue désembourgeoisée », couverte de fatras et de mouches, en est à sa cinquième victime [2]. Le défunt refusait de se laisser confisquer sa « marchandise » constituée probablement de quelques ouvrages jaunis par le temps qu’il revendait aux passants pour une bouchée de pain. Et le jeune homme a payé de sa vie sa résistance héroïque. Auril a trépassé face contre terre, écrasé sous son sac à dos rempli de consonnes, de voyelles et de signes de ponctuations, comme un gamin qui revenait de l’école. Si aujourd’hui, les bandits légalement armés mitraillent les « bouquinistes » sans être inquiétés, demain, ils fusilleront certainement les « écrivains » progressistes…
Dans une société conscientisée, l’histoire tragique de ce malheureux vendeur de livres usagés aurait conduit au soulèvement de la population. Les philosophes, les romanciers, les essayistes, les poètes, les professeurs, les étudiants, les élèves, les écoliers, les dramaturges, les comédiens, les cinéastes, les journalistes, les musiciens, les sculpteurs, les peintres… se placeraient en tête de file pour marcher contre la brutalité impondérable. Il y aurait eu des manifestations bruyantes et bouillantes dans les villes et dans les campagnes. Ou même – dans certains cas – des échauffourées avec la police des bourgeois. Les média parlés, écrits et télévisés – dans un premier temps – auraient évoqué le bourgeonnement d’une insurrection populaire qui se serait muée finalement en « Révolution ».
Tunisie. 17 décembre 2010. Mohamed, un jeune marchand s’immole publiquement en vue de protester contre la saisie des produits de son petit commerce. Sans le savoir, le commerçant tunisien a mis le feu aux poudres des frustrations sociales et dégoupillé les grenades d’une révolte généralisée qui bouleversait la Tunisie, l’Égypte, la Lybie, la Syrie, le Yémen, le Maroc… Il ne faut pas occulter l’implication des puissances impériales – particulièrement les États-Unis et la France – dans cette escalade de conflits sociopolitiques internes. Les requins de la « cosmocratie » en ont profité pour déstabiliser complètement le Maghreb.
Depuis des années, des compatriotes se sont convertis en de minuscules librairies ambulantes afin de rester accrochés aux épaves fragiles de l’existence humaine. Ils vendent des livres qu’ils n’ont ni la compétence de lire ni la capacité de comprendre. Mais peu importe… Cela les aide à installer un toit sur la tête de la petite famille, à nourrir la marmaille, à couvrir le corps de l’épouse fidèle ou de la concubine dévouée, durement éprouvée, extrêmement fatiguée, totalement meurtrie, injustement défigurée sous les raclées de la misère. Ils rendent service aussi – à leur façon – aux citoyens désireux de s’instruire. Ils vulgarisent, distribuent dans les rues les idées, les opinions, les réflexions qui peuvent renverser et changer le système économique et financier basé sur l’exploitation outrancière de la main-d’œuvre ouvrière. Les laquais de l’impérialisme n’ont jamais appris l’histoire de Jean Genet, le célèbre voleur d’ouvrages luxueux que Jean Cocteau et d’autres intellectuels de l’époque défendaient souvent par devant les tribunaux et sortaient de prison. Lorsque le juge demanda à Genet s’il connaissait le prix des livres qu’il dérobait, l’inculpé répondit étonnamment : « Non votre Honneur, je n’en sais pas le coût, mais j’en connais la valeur. » Et les rires fusèrent de partout.
Le miséreux bouquiniste a choisi de mourir plutôt que de trahir les écrivains qui lui assuraient son gagne pain. Le monde intellectuel retiendra qu’Auril Dérilus – le nom d’un petit paysan devenu désormais important – a préféré se sacrifier, se martyriser plutôt que de livrer à l’autodafé Thomas Madiou, Anténor Firmin, Louis-Joseph Janvier, Etzer Vilaire, Oswald Durand, Justin Lhérisson, Fernand Hibbert, Jean-Price Mars, Jacques Roumain, Jacques Stephen Alexis, Émile Olivier… Son sang a coulé sur des personnalités célèbres et prestigieuses qui ont légué à l’humanité des œuvres intemporelles et pérennes. Quelle fin honorable et envieuse pour un homme ou une femme que de mourir avec un ouvrage de l’un de ces grands intellectuels à la main ! Exactement comme Ives Volel pressait la constitution du 29 mars 1987 contre son cœur percé par les balles des gendarmes incultes d’Henri Namphy! Dire que le « militaire voyou » ose encore se prononcer publiquement sur les affaires d’une République qu’il a taillée en pièces avec les autres « goujats » qui formaient le haut état major des forces armées antinationales !
Les voix d’Henri Namphy, Prosper Avril, Hérard Abraham, William Régala, Raoul Cédras, Michel François, Albert Pierre, Jean Valmé, John Duperval… nous rappelleront toujours ces temps de deuil et de détresse abyssale traversés péniblement par les familles haïtiennes persécutées. Le mystère ne demeure-t-il pas entier sur la disparition tragique de Charlot Jacquelin à Cité Soleil? À cette période où Henri Namphy trônait comme Hérode Antipas, plus de 200 000 compatriotes envahissaient les rues de la capitale pour exiger le retour de l’activiste politique dans son foyer. Aucune explication n’a été fournie à la Nation. L’indécent général installé par la CIA au palais national après l’abdication du tyran et son départ pour la France avec sa famille, allait même jusqu’à nier l’existence de la victime. Henri Namphy devrait être actuellement en prison, en train de purger les crimes que son gouvernement a cautionnés, commandités ou commis.
Il faut arrêter de tâtonner
Seule une « Révolution » sociale, politique, économique et culturelle permettra au peuple haïtien de venger ses morts et de retrouver le sommeil qu’il a perdu depuis l’avènement du macoutisme duvaliérien. Aujourd’hui – nous le rappelons ironiquement – le fils de Charlot Jacquelin, qui voudrait poursuivre la militance d’un père qu’il n’a pas connu, a choisi le mauvais « camp politique ». Il vend ses idées – paraît-il – à Jovenel Moïse, le « domestique » de la « bourgeoisie syro-libanaise », qui sera jugé tôt ou tard pour blanchiment d’argent sale, détournements des fonds de l’État, népotisme aggravé... Et – peut-être – pour bien d’autres « mobiles occultes »…! Les milieux de la pègre réservent parfois des « surprises désagréables » à leurs membres. Et si le fantôme d’Évinx Daniel – le baron de la drogue du département du Sud – se mettait à errer dans les compartiments du palais national – comme dans un film d’horreur d’Alfred Hitchcock – à la recherche des « traîtres » qui l’auraient enlevé cruellement de la circulation et à sa famille?
De toute façon, ce n’est pas nous – et nous osons l’écrire – qui irons verser des larmes – même de crocodile – sur la tombe des « Othon », des « Sénèque », des « Burrus », ou d’autres « conseillers privilégiés » de Lucius Dominitius Ahenobarbus alias Néron, qui se sont suicidés comme Pétrone et Lucain, empoisonnés par Locuste, assassinés comme Agrippine la Jeune dans l’exercice de leurs méchants forfaits.
Les visages des « bourreaux éhontés », tant qu’ils seront encore en vie, assombriront le ciel de notre mémoire révoltée. Qu’ils se taisent, au nom d’une certaine moralité politique : s’il en reste encore dans ce pays haillonneux ! Pour ne pas répéter les vers immortels que Pierre Corneille [3] mit dans la bouche du vieil Horace. Mais dans un contexte solennel d’Honneur patriotique et de Dignité familiale. « Que voulez-vous qu’il fît contre trois? Qu’il mourût ou qu’un beau désespoir le secourût ! » Publius Horatius, le héros légendaire de l’antiquité, après la mort de ses deux frères, dut affronter et vaincre seul les trois Curiaces en vue de sauver la grandeur de sa patrie.
Que demandons-nous finalement à la satrapie étrangère et locale qui mutile tranquillement la souveraineté et l’indépendance de la République d’Haïti, à la manière de siroter un café en lisant le journal ? Qu’ils se cachent ! Qu’ils se taisent ! Qu’ils se couvrent la tête pour que les rayons du soleil arrêtent de découvrir leur laideur provocante à la face martyrisée des tribulations journalières d’un peuple essoufflé, qui peine jusqu’à présent à trouver le chemin du bonheur dans les broussailles de l’anticonstitutionnalité, de l’illégalité et de l’arbitrarité. Tous les paliers de l’administration publique d’Haïti sont entachés de malversations, scellés de corruptions et souillés de crimes de sang. Des « autorités politiques et religieuses » ont les mains sales, le cœur aciéré. Et la tête vide.
C’est dans cet « endroit frankensteinien » que l’expression « la vie ne tient qu’à un fil » a dû trouver sa véritable signification. Des cadavres à n’en plus finir. Des lieux frissonnants de torture et de crucifixion, comme du temps de la Rome intrigante et prédatrice, où le sort de l’existence humaine suspendait au « pouce » du concept de « masochisme » inventé par Krafft-Ebing pour qualifier la « philosophie macabre » qui sous-tend l’œuvre de l’écrivain autrichien, Leopold von Sacher-Masoch.
Et pourtant
7 février 1986 devrait allumer des lanternes d’espoir dans les foyers tenus trop longtemps dans le deuil. Toute la racaille politique financée par Washington, Paris, Ottawa… a trompé la vigilance des masses. D’ailleurs, les petits-bourgeois intellectuels démagogues, ceux-là qui se retranchaient derrière des « mouvements socialistes et communistes désorganisés » pour duper et dérouter la conscience populaire, se livrent actuellement à une orgie de « mutisme cautionnant ». Des comportements indignes. Et surtout lâches.
Où sont passés les « petits bergers » du G8 et du G20 ? Lesquelles parmi ces personnalités inconsistantes ont-elles réellement vendu leur langue et leur âme aux « Fernando Sancho » du PHTK qui sont en train d’assécher le dernier trayon de la « vache laitière » d’un État léthargique et impotent ? Les « fameux candidats » défaits par Peter F. Mulrean, Sandra Honoré, et les autres ambassadeurs accrédités à Port-au-Prince ont rendu curieusement leur « tablier politique ». Ils se sont retirés tranquillement, silencieusement sur leurs terres sèches et arides.
Le 6 juillet 1535, la Cour de Londres fit décapiter Thomas More. L’un des conseillers plénipotentiaires auprès de la Couronne, Thomas Cromwell l’accusa de s’opposer au divorce d’Henri VIII et de Catherine d’Aragon et au remariage de celui-là avec Anne Boleyn. Il reprocha aussi à l’auteur de « L’Utopie » de ne s’être pas soumis aux vœux du monarque qui se fut octroyé le titre de Chef suprême de l’Église d’Angleterre. « Son silence est une preuve de culpabilité », faisait remarquer Cromwell aux autres juges. Le condamné, sans perdre son sang froid, sans trahir son calme habituel, rétorqua avec une voix ferme que l’adage apprend plutôt le contraire : « Silence means consent (Qui ne dit mot consent). » En clair, Thomas More nous rappelle que le « silence » est toujours complice. En aucun cas, il ne saurait être considéré comme un signe de « désapprobation ». Ou comme un acte de « bravoure ».
Des amis que nous fréquentions en Haïti à la fin des années 1970 nous ont avoué après les événements de février 1986 que notre compagnie – à cette époque de persécutions politiques – leur inspirait des craintes angoissantes. « Nous n’osions pas vous demander de rester loin de nous » confessaient-ils dans l’embarras profond. Nous leur faisions remarquer qu’il n’était pas donné à tous les individus d’être nés « héros » ou « martyrs ». La nature engendre à la fois des « maîtres » et des « esclaves », et chacun est libre d’accepter son « sort » ou de combattre ses « bourreaux ». « Nous avions donc fait le choix, à l’instar de nombreux compatriotes, de lutter pour vivre ou pour mourir. Et comme le départ du dictateur ne signifie pas la fin de nos engagements patriotiques, nous pensions qu’il serait mieux pour nous de ne plus nous revoir. Nous ne voudrions pas vous causer des ennuis, déranger votre environnement de citoyens simples, anonymes et résignés », avions-nous ajouté.
Les combattants des puissances hégémoniques, les militants du changement, les artisans cartésiens de la future « société mondiale révolutionnaire » qui viendra libérer définitivement les opprimés du « système de propriété privée » refusent de se laisser emporter dans le courant d’un fatalisme démobilisant. Les affrontements idéologiques se complexifient. Les pertes que le « capital » inflige aux masses prolétarisées, aliénées par les besoins de subsistance existentielle, sont lourdes. Cependant, le digne remplaçant du Commandant Hugo Chavez, le président Nicolas Maduro, reconnaît que les femmes et les hommes qui épousent la « Cause » des victimes des « castes de l’oligarchie » ne baisseront pas les bras devant l’insupportabilité de la barbarie impériale. « Nous sommes des Guerriers », a lancé le guide et défenseur fidèle et loyal de la « Justice sociale » devant les populations pauvres qui supportent et soutiennent les piliers de la résistance gouvernementale contre les tractations et les intentions malhonnêtes de la Maison Blanche et du Pentagone à l’égard du « chavézisme libérateur ». Les paysans vénézuéliens sont prêts à défendre leur « Révolution » jusqu’à leur dernière goutte de sang. Le président Hugo Chavez, en sa qualité de militaire haut gradé, de concepteur géniale de la lutte armée pour la prise et la conservation du pouvoir, a préparé la voie du salut de son peuple. N’oubliez pas Bertolt Brecht : « Ceux qui luttent peuvent perdre ou gagner. Mais ceux qui ne luttent pas ont déjà perdu. »
Les camarades de la résistance – à leur façon – avec les mêmes convictions et idéologies politiques, les mêmes sentiments de nationalisme purs et progressistes qui ont animé et immortalisé les Caonabo, Geronimo, Thomas Isidore Sankara, Jacques Stephen Alexis, Adrien Sansaricq…, sont déterminés à affronter sans répit les « ennemis de la Liberté » avec l’énergie de la rage et de la révolte, jusqu’à la « victoire finale » ou la « défaite totale ». Comme dans la légende qui est à la base du « Mouvement Colibri » de l’écrivain Pierre Rabhi, ils sont comme le « petit oiseau » qui jette une goutte d’eau à la fois sur le vaste brasier de la désolation humaine. Ce n’est rien, dites-vous peut-être! Néanmoins, chacun d’entre eux fait sa part. Ils survolent les flammes au risque de se faire brûler les ailes et d’être consumés à leur tour par les feux dévorants. Mais d’autres colibris – disposés comme eux à affronter le danger, à combattre le fléau – prendront la relève et poursuivront la lutte pour le « Changement » et la « Vie ». Et qui sait si demain ce ne seront pas toutes les espèces d’oiseaux de la forêt qui se donneront la main pour freiner la catastrophe et réparer les dégâts? « Qui sait? », dirait Richard Brisson ! « Qui sait ? » Et c’est bien vrai, camarades!
Albert Einstein aimait répéter : « La vie est comme une bicyclette, il faut avancer pour ne pas perdre l’équilibre. » La République d’Haïti reste figée sur une corde suspendue dans le vide de l’inconscience et de l’insouciance. Un matin, le monde la retrouvera – si aucune opération de sauvetage politique n’est envisagée – aplatie contre les rochers de la faillite exterminatrice. Que faire pour sauver ce pays de l’agonisation sociétale? Pour répondre à la question, nous partageons avec vous des fragments de ce poème titré « Réflexion » qui figure dans notre recueil, Le Crépuscule Ensanglanté, rédigé en 1980 et publié à Montréal :
« Nous n’avons plus de 1791
Plus de 1803
Nous n’avons rien
Ils ont détruit
Le Sanctuaire
De notre mémoire
Digne et fière
Aujourd’hui encore
De leurs mains criminelles
Avec leur regard altier
Ils continuent de voiler
Le visage
Des exploits
De nos pères
Et de nos mères
Depuis des lunes
Les « Conzé »
Dans les villas hantées
Trinquent
Avec les éventreurs
Des « cacos »
Ils seront immolés
Eux aussi
Sur le bûcher
De la trahison
Liberté
Les « gens du Nord »
Sur la porte funèbre
De Péralte
T’ont « recrucifiée »
Aux yeux de l’univers
Mais cette fois-ci
Nous avons juré
Que tu ne mourras pas
Nous en avons assez
De te voir « mourir »
Sans « exister »
Liberté
« Parole d’homme »
Tu renaîtras
Grandiras
Et vivras »
On se souvient
Le 17 octobre 1915, le poète haïtien, Edmond Laforest, se suicida. L’acte désespéré correspondait à son indignation de voir la marine des États-Unis déployer ses troupes sur les terres libres, souveraines et indépendantes d’Haïti. Il nous légua sa « mort tragique et symbolique » en guise de protestation énergique et de refus de soumission à la barbarie militaro-politique de l’Amérique du Nord. Edmond Laforest choisit le jour de l’assassinat du fondateur de la patrie pour organiser et concrétiser son « voyage éternel ». Il est considéré comme un martyr de la « Liberté ». Au même titre que Pierre Sully. Y a-t-il une statue du docteur Raymond Cabèche à l’entrée principale du Palais législatif pour son courage de critiquer et de rejeter le projet de la « Convention » qui oignit l’occupation ignominieuse du 28 juillet 1915? L’Honorable député Cabèche décéda peu de temps après le vote de ratification du document humiliant. Peu de compatriotes penseront à lui rendre hommage le 6 octobre 2017 qui coïncide avec le jour de son geste héroïque.
Les États bourgeois sacrifient, immolent les peuples nécessiteux au profit des multinationales de la « concurrence monopolistique ». Jovenel Moïse fixe le salaire minimum des masses ouvrières à 350 gourdes. Le patronat durcit sa position. Le Conseil supérieur du salaire (CSS) présidé par Me Renan Hédouville – le fondateur du Comité des avocats pour le respect des libertés individuelles (CARLI) ? – courbe l’échine devant les « sultans » de la Société Nationale des Parcs Industriels (SONAPI). La situation des congos – ainsi que celle des autres catégories de l’immigration haïtienne en République dominicaine – inquiète les organismes internationaux de défense des droits humains au plus haut point. Des cas d’exécutions sommaires, de sévices corporels sévères, de viols de femmes, de confiscations de biens matériels sont fréquemment rapportés dans les journaux et sur les ondes des radios de Port-au-Prince. Il faut arrêter les pratiques de l’égorgement des pauvres dans les usines de sous-traitance et dans les grandes plantations agricoles étrangères. Dynamiter les édifices des malheurs et des souffrances que les « architectes de la misère » ont élevés dans les poumons des bidonvilles, sur le dos des mornes et sur la poitrine des vallées campagnardes dans le but de contrefaire la marche des « misérables » vers un minimum de bien-être économique et de stopper leur élan vers un brin d’épanouissement socioculturel.
Soyons vigilants
La tentative de recoller les ossements des forces armées de François Duvalier participerait d’une logique diabolique de la « nigérianisation » des conflits politiques qui opposent et divisent les Haïtiens. Et cette guerre civile concoctée dans les officines du Département d’État opposerait finalement la police nationale aux mercenaires enrôlés par l’actuel ministre de la défense, conseillé par les agents de la CIA qui sont présents dans le pays. Les espions étatsuniens, français, canadiens, allemands, anglais, espagnols, italiens se sont dissimulés génialement dans le ventre des Organisations non gouvernementales (ONG). La République d’Haïti serait donc condamnée à avoir son « Boko Haram » qui viendrait terroriser davantage une population déjà à bout de nerfs, impitoyablement mise à l’épreuve par le « banditisme systémique ».
Existe-t-il une autre « solution de rédemption » pour les pays du Sud en dehors de la dynamique d’une « Révolution politique, économique et sociale» à l’échelle planétaire ?
Robert Lodimus
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Notes et références
[1] Allusion à une citation de Jean-Jacques Rousseau : « L’homme est né libre, mais partout il est dans les fers. »
[2] Haïti Liberté, Édition du 19 au 26 juillet 2017.
[3] Pierre Corneille, Les Horaces et les Curiaces.
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