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Cour des Comptes et Contentieux Administratif rendu de facto par le refus de Martelly de publier les nouveaux membres élus par le Senat

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Le mandat des membres actuels a expiré, les nouveaux juges ne peuvent entrer en fonction. La Cour des comptes et du contentieux administratif est l'objet du nouveau litige exécutif-Sénat. C'est par une lettre au président Martelly que le président du Sénat a lavé en public un nouveau linge sale avec l'exécutif. L'objet du désaccord est de la plus haute importance : la Cour des comptes, dispositif réglementaire au coeur du contrôle des dépenses de l'Etat, est non-opérationnelle en dépit du choix des nouveaux juges par le Sénat en accord avec les prescrits de la Constitution. La présidence veut revoir le processus alors que des rumeurs, depuis des mois, parlent de son insatisfaction en ce qui concerne les choix des sénateurs. Une correspondance aigre s'échange au sommet de l'Etat.

Lettre reponse du président du Senat Dieuseul Simon Desras au président Michel Martelly

Monsieur le Président de la République,

Je m'empresse d'accuser réception de votre correspondance référencée PN/MJM/ygi/837 et datée du 30 septembre 2013 par laquelle vous informez le Sénat qu'en votre qualité de Chef du Pouvoir exécutif « chargé de veiller au respect et à l'exécution de la Constitution et au fonctionnement régulier des pouvoirs publics», vous avez décidé de mettre sur pied une commission de vetting afin de s'assurer de l'intégrité du processus qui a conduit à la « nomination » des Conseillers et de la moralité de ces derniers.

J'ai noté également que vous avez fixé au 16 juillet 2013 la fin du mandat des Conseillers de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSC/CA).

Je tiens à vous faire remarquer que les Conseillers ne sont pas nommés mais élus par le Sénat en vertu d'une attribution constitutionnelle prescrite à l'article 200-6 de la Constitution de 1987 amendée. De plus, conformément à l'article 60 du décret du 23 novembre 2005 portant organisation et fonctionnement de la CSC/CA, le processus devant conduire au renouvellement du mandat des conseillers débute à partir du 1er avril et s'échelonne sur une période de six (6) mois qui s'achève le 30 septembre. Il est donc clair que ce décret est l'instrument qui régularise une fois pour toutes le mandat du nouveau conseil de la CSCA et qui le fait coïncider avec l'ouverture de l'année fiscale et administrative, soit le 1er octobre 2013.

A cet égard, il convient de souligner à votre haute attention que le Sénat de la République a respecté scrupuleusement les délais impartis par les articles 60 et 61 dudit décret pour avoir lancé l'appel à candidatures depuis le mois d'avril 2013 et fait parvenir à la présidence le 4 septembre 2013 la liste des dix (10) nouveaux Conseillers élus aux termes de l'article 200-6 de la Constitution amendée.

Par ailleurs, il est indéniable, comme vous l'admettez, que les Conseillers des Cours des comptes dans la famille romano-germanique à laquelle appartient le système juridique haïtien sont des juges administratifs. Néanmoins, les Conseillers de la CSC/CA ne sont pas des juges nommés près les tribunaux et cours de la République, comme vous l'avez relaté dans votre lettre. Ils sont plutôt des juges élus par le Sénat de la République.

A ce compte, je tiens à vous faire part de la consternation des sénateurs de la République de lire que la présidence décide de former une commission de vetting pour s'assurer de l'intégrité du processus qui a conduit à l'élection de ces juges. Ce paragraphe de votre correspondance constitue une insulte cinglante vis-à-vis des membres de la Commission sénatoriale qui ont conduit l'enquête et de tous les sénateurs qui ont voté, en plus d'être un affront aux institutions démocratiques. Il s'agit là d'une violation flagrante et caractérisée de la Constitution qui stipule en ses articles 60 et 60-1 que «[c]haque pouvoir est indépendant des deux autres dans ses attributions qu'il exerce séparément et qu'[a]ucun d'eux ne peut, sous aucun motif, déléguer ses attributions en tout ou en partie, ni sortir des limites qui lui sont fixées par la Constitution et par la loi ». D'autant plus que la Constitution prescrit à l'article 150 que le président de la République n'a d'autres pouvoirs que ceux qui lui sont expressément attribués par la Constitution.

Il n'est pas inutile de vous faire remarquer que la Constitution ne reconnaît au président de la République que deux seules décisions personnelles et unilatérales, et encore: la convocation à l'extraordinaire du Parlement et l'arrêté de nomination du Premier ministre; toutes autres décisions sont concertées, consensuelles et contresignées.

Ainsi donc, aucune disposition constitutionnelle ne vous autorise à refuser de façon discrétionnaire de publier la liste des Conseillers de la CSC/CA régulièrement élus par le Sénat en vertu de l'article 200-6 de la Constitution et de vous immiscer dans le fonctionnement interne du Parlement et de juger de l'intégrité d'un processus conduit par des sénateurs.

Aussi, je vous exhorte à promulguer et à publier la liste des membres élus de la CSC/CA, et ce, dans le plus bref délai afin d'éviter que les Conseillers restant en poste au-delà de la fin de leur mandat, soit le 30 septembre à minuit, ne soient accusés d'usurpation de titre et passibles de la Haute Cour de justice, ainsi que tous ceux qui, à un titre ou à un autre, seraient tentés de cautionner un tel état de chose.

Je saisis l'occasion pour vous renouveler, Monsieur le Président de la République, l'expression de mes sentiments patriotiques.

Simon Dieuseul Desras, Av.
Président

Source: Le Nouvelliste

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